La jurisprudence de la Cour de Justice Européenne a permis de constater la diversité des législations des Etats membres en matière de jeux et le manque d’harmonisation au niveau européen. Il apparait, en effet, que l’incidence du droit communautaire dérivé est encore limitée, les jeux ayant été exclus de nombreuses directives, telle que la directive sur le commerce électronique et la directive services. En l’absence de cette coordination, la discipline des jeux ressort essentiellement de la compétence de chaque Etat membre qui évalue la protection des intérêts d’ordre moral, religieux et culturel que celle-ci implique.
Il s’agit là d’un marché dont les particularités n’ont pas permis, à ce jour, un développement uniforme et homogène du processus d’intégration européenne en la matière. Les difficultés d’une harmonisation sont également une conséquence indirecte de l’adhésion à l’Union Européenne de nouveaux Etats membres selon la politique qui a dominé ces dernières années, qui a favoriser l’élargissement de l’Union (“widening”) au détriment inévitable de l’approfondissement (“deepening”).
Cependant, la multitude des offres transfrontalières de jeux grâce aux opportunités offertes par l’innovation technologique ont fait apparaitre la nécessité d’une coopération, plus ou moins approfondie, entre les Etats membres. Déjà, les conclusions du rapport Schaldemose sur les jeux en ligne soulignaient l’exigence d’un rapprochement et d’une coopération aussi bien au niveau national, qu’européen et international. Au cours des dernières semaines, des solutions de coopérations ont été envisagées au niveau européen (avec l’institution du groupe de travail au sein du Conseil; la promotion du système d’information IMI ; la consultation publique pour le Livre vert). Les conclusions du rapport Creutzmann du 15 novembre 2011 et la comunication de la Commission du 23 octobre 2012 en témoignent également.
Certains Etats membres, dont l’Italie et la France ont envisagé une coopération plus approfondie dans le cadre des jeux par le biais de la conclusion d’accord bilatéraux entre Etats membres (notamment dans le cadre des jeux en ligne) afin de combattre l’offre attractive du marché noir et rendre l’offre publique comparable et aussi compétitive. Force est de constater, cependant, que ces accords bilatéraux de coopération doivent nécessairement respecter les compétences et les droits des autres États membres afin de ne pas être jugés contraire au droit européen.
Face aux difficultés d’une harmonisation des législations des 27 Etats membres et aux problèmes liés à la signature des accords bilatéraux infra/extra UE, ne peut-on suggérer alors une démarche plus pragmatique par le biais d’une coopération renforcée entre Etats membres ? Dans le matière des jeux, la coopération renforcée permettrait un rapprochement différentié entre Etats membres, là où neuf d’entre eux seulement s’obligent de manière plus intense que les autres dans le but d’assurer une meilleure coopération entre eux sur un thème si délicat dans le respect des Traités et du droit européen.
La coopération est assujettie à une délibération d’autorisation de la part du Conseil sur proposition de la Commission et approbation du Parlement européen et demeure ouverte à tous les Etats membres, qui peuvent décider d’y prendre part à tout instant. En ce cas, ceux-ci devront respecter les actes adoptés avant leur entrée.
Les arguments pour lesquels un telle coopération renforcée est souhaitable sont multiples : la protection des joueurs et la préservation de l’éthique avant tout, mais aussi une simplification des procédures d’agreement des opérateurs selon des conditions communes (solvabilité, mesures contre le blanchiment d’argent, protection des données), une réglementation de base des problèmes liés à la publicité, à l’établissement d’une liste noire commune pour le blocage des sites internet d’offre illégale.
Ainsi le débat d’une ouverture politique sur le thème s’impose, afin d’assurer la protection des joueurs tout en permettant à l’intégration européenne de progresser.